Vendredi, 9 août 2024

Le principe du 1:1

Alain Pichard, à propos de la politique financière biennoise et du compromis budgétaire. Publié pour la première fois à Bienne le 31 janvier 2023.

Dans son commentaire dans le «Bieler Tagblatt» sur le «compromis » trouvé dans le conflit budgétaire biennois, Jérôme Léchot a écrit qu’il s’agissait d’un événement historique. Pour ceux qui ne connaissent pas encore très bien cette personne: il s’agit du journaliste qui, dans un éditorial publié avant le vote du budget, avait approuvé cette proposition ruineuse, parce qu’il estimait qu’elle rendrait Bienne un peu plus chaleureuse. Bien entendu, notre maire a lui aussi exulté: «C’est un grand pas en avant pour Bienne». Messieurs Léchot et Fehr ne sont pas les seuls à se réjouir: la droite jubile d’avoir fait passer un budget sans augmentation d’impôts.

La gauche est heureuse de ne pas avoir dû s’engager dans des mesures d’économies importantes, l’administration est ravie de pouvoir à nouveau agir, le Musée des beaux-arts du Pasquart est soulagé de pouvoir continuer à accueillir 1070 visiteurs payants à plein tarif par an avec une masse salariale de 800 000 francs, et les banques se frottent les mains à l’idée de pouvoir continuer de financer notre économie d’endettement via des taux d’intérêt qui ont aussi été plus bas à une certaine époque. Seul le président du groupe parlementaire Vert’libéral Dennis Briechle, qui arborait toujours un masque dans la salle et marquait ainsi visuellement sa position unique, n’est pas satisfait. Il a déclaré de manière voilée: «C’est un report des problèmes financiers, une décision nulle qui veut plaire à tout le monde.»

Il est évident que l’on ne peut pas réorienter une politique financière erronée depuis belle lurette en organisant quelques «tables rondes». On se contente donc de déclarations d’intention et on continue d’accumuler les dettes. L’un de ces accords attire l’attention: il s’agit du retour au principe 1:1. Cette formule stipule que pour chaque franc économisé, il y a une augmentation d’impôt d’un franc. Ou, pour le dire plus prosaïquement, les Biennois paient plus et reçoivent moins. Bien entendu, cela ne vaut que pour les Biennois qui paient des impôts, car 40% de la population biennoise ne paient que 4% des recettes fiscales ou alimentent tout au plus la caisse de l’État avec des amendes de stationnement. Avec le principe 1:1, nous revenons à l’année 2015 après un crash financier de sept ans. À l'époque déjà, le Conseil municipal avait reconnu qu’il ne pouvait pas continuer avec un déficit d’exploitation de 30 millions de francs. Il avait présenté au Conseil de Ville, qui disposait d’une très faible majorité de centre-droit, un paquet d’assainissement ne manquant pas d’ambition. Il proposait des mesures d’économies, y compris pour les grandes institutions culturelles, et demandait des augmentations d’impôts d’un montant équivalent. C’était le principe du 1:1. Je me souviens encore très bien de ses paroles: «Ce sont nos mesures d’économies. Le Municipal les soutient.»

C’est une tactique bien connue de l’Exécutif que de faire des propositions désagréables en étant sûr que le Parlement les rejettera. Mais à notre grand étonnement, cette alliance de la raison en matière de politique financière, comme elle se nommait elle-même, avait majoritairement soutenu ces propositions et était prête en contrepartie à avaler les couleuvres des augmentations d’impôts. La, gauche et le lobby culturel firent alors feu de tout bois, organisèrent des manifestations devant et au sein du Conseil de Ville, récoltèrent des signatures contre les réductions de subventions, et traitèrent les conseillers de Ville bourgeois de démolisseurs sociaux. Finalement, par peur, le Conseil municipal avait retiré en plein débat les propositions d’économies concernant le TOBS. La directrice des Finances Silvia Steidle, dont on se souvient très bien des propos marquants qu’elle a tenus récemment à l’occasion de sa démission, était de la partie. Malgré ce manquement flagrant à la parole donnée, la majorité avait tenu la dragée haute au Conseil municipal et adopté un budget qui ne correspondait certes plus au principe initial du 1:1, mais qui prévoyait tout de même d’importantes économies et des augmentations d’impôts tout aussi importantes. La gauche avait ensuite combattu ce budget et l’a emporté. C’est un conte de fées colporté aujourd’hui par de nombreux politiciens et aussi par le «Bieler Tagblatt», et cela se passe ainsi: en 2015, les bourgeois avait tenté un coup de force, en 2022, la gauche en a fait de même. Les deux ont échoué. Il s’agit bien sûr d’un non-sens total, car les propositions d’économies de l’époque émanaient du Conseil municipal de gauche et suivaient un principe 1:1 que l’on redécouvre soudain aujourd’hui. Comme au football, c’est un résultat peu glorieux. Mais il ne s’agit pas ici d’une décision budgétaire isolée, mais d’un assainissement durable des finances biennoises, qui ont complètement dérapé. Et les assainissements ont désormais l’habitude de provoquer des douleurs.